Jardin Entre l’eau et nous – Le flow ! Lausanne jardins

Année : février 2023

Commanditaire : Lausanne jardins

Mission : Concours conception jardin

Avec : Virginie Alexe, urbaniste


Qu’il est difficile de définir l’Eau, tellement il y a de définitions.
À la fois matière, substance chimique, ressource, …
Mais connaissons-nous véritablement l‘Eau ? quel rapport entretenons-nous avec elle ? Celle qui coule du robinet ? Celle qui déborde de nos cours d’eau ? Celle qui vient du ciel ? Celle qui nous lave ? Celle qui nous hydrate ? Celle qui nous garde en vie ? Celle qui produit de l’énergie ?

Quand on parle d’eau, on parle d’eau à l’état liquide. Une manière insaisissable, qu’il n’est possible de saisir que par le biais d’un contenant. Il y a donc un élément entre l’eau et nous.
Si elle n’est pas contenue, elle nous échappe.

S’il y a un déséquilibre, elle se déplace. Elle compense. Elle passe, elle déborde, elle traverse, elle s’immisce, elle s’infiltre, elle coule.
Dans son mouvement, elle transporte, elle arrache, elle devient réceptacle :
Elle recueille. La vie.

Elle témoigne. Du passé. Elle indique. Un instant t.

Eau et temps sont liés. L’espace également.

À Lausanne, l’eau est partout. Le temps des glaces a disparu, le paysage la garde en mémoire, en creux. Son déplacement en a laissé des traces, sous forme de promontoires. Promontoires, où la ville s’est élevée, s’est étalée, s’est infiltrée partout où la topographie lui en donnait la possibilité. Jusqu’à faire fi des cours d’eau car en face d’elle, le lac légitime son extension. Avec le temps, l’eau du lac est devenue une aménité de la ville, pendant que ceux qui le remplissait, devenaient illégitimes.

Car le lac dialogue avec la ville, en qualité d’égalité.
D’espace à espace, de contenu à contenu.
Alors que les cours d’eau n’ont pas ce rapport de force, ce sont des êtres en mouvement. Parfois ils tendent à déborder de leurs contenants, parfois ils s’assèchent. C’est ainsi que cette différence d’être, a fait disparaître les cours d’eau de la ville en même temps que notre définition de l’eau s’est tarie.

La définition entre l’eau et nous s’est asséchée.

Aujourd’hui, on aime l’eau utile, canalisée, domptée, contenue. Filtrée, déminéralisée, désincarnée, consommée, rejetée. Car l’eau est par définition infinie.
Elle passe et repasse, c’est un être insaisissable. Ne faudrait-il pas stopper un instant cette course folle ? L’écouter, sans rien attendre ?

Faire émerger une émotion du contenu. Soit, renouer une part de nous avec l’eau. Une part plus intime.
Car, nous entretenons tous une part d’intimité avec elle. Elle enveloppe avec douceur notre corps lorsque nous nous lavons, elle parcourt notre chemin intérieur lorsque nous la buvons.

Y a-t-il une sensation plus agréable que l’eau qui parcourt notre corps ?
Qu’a fait la rivière pour qu’elle ne soit plus une source de sensations ? Ne faudrait-il pas reconsidérer l’eau qui coule entre le sol et nous ?

Lausanne, un lac. Seize rivières. La plupart, coulent sous terre.
Sans rien dire. Un égout en guise d’embouchure. Un déchet, en somme.
À partir de quand le déchet peut-il être moteur de création ? À partir de quand ne sommes-nous plus capables d’écouter nos émotions ?
Ne faudrait-il pas changer notre paradigme sur l’eau, à la manière de ceux qui ont reconsidéré les œuvres, des malades ou des novices, en art. En Art brut.
Ne faudrait-il pas convoquer ceux qui sont empreints d’émotions pour redéfinir notre rapport à l’eau ?

Ludwig Hohl

Entre l’eau et nous, nous souhaitons travailler cette part d’imaginaire, de sensations et de rêverie que nous évoque ces cours d’eau.
De réveiller, de manifester, de recueillir ces extra-ordinaires cours d’eau, ces hors- normes, ces à-côtés. Ni trop ni pas assez. De créer un jardin d’expériences où les gens pourraient s’exprimer, partager, écrire leurs croyances entre l’eau et eux.
De recueillir l’eau des autres, chargée de flots et de souvenirs.
De partager et faire perdurer un cycle, une mémoire des eaux.
Un lieu de l’intime avec l’immensité de l’eau.

© texte de Virginie Alexe & Livia Kolb

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