Année : Avril 2020
Commanditaire : Conseil Général des Alpes-Maritimes
Mission : conception jardin
Avec : Virginie Alexe, urbaniste
Le jardin est une entité mouvante, qui est belle de n’être jamais finie et d’être aussi toujours inattendue dans son développement »
nous rappelle le critique d’art Guy Tortosa
Les volumes y sont sculptés à même la terre, les couleurs et les matières sont empruntées au végétal. Entrer dans un jardin, c’est se laisser transporter dans un univers onirique dont l’expression parle aux sens et devient émotions.
Au premier regard, l’œuvre est verticale — une position à laquelle on l’associe généralement. Un voile cache le jardin, imprimant des silhouettes végétales et humaines qui s’animent à l’intérieur. Nous voulons dès le départ interpeller le visiteur, initier un échange entre l’artiste et le regardeur. Le jardin commence par une suggestion.
Derrière ce voile, l’œuvre perd sa verticalité. Nous invitons le visiteur à déambuler dans une œuvre vivante, à l’horizontale. Le jardin est composé comme un tableau. À la manière de Matisse, il est imaginé comme un collage sur une feuille de papier. Dans une forme carrée, le matériau découpé est emprunté au vivant, son matériau premier étant le végétal. Le jardin est découpé par les circulations : une première en fait le tour, une seconde le traverse dans un élan géométrique. La circulation intérieure est une coupe à vif dans la masse végétale teintée de bleu, en résonance avec le bleu azur de la Méditerranée.

Le jardin est aussi un lieu où se dessinent les enjeux de notre époque. Le ton y est au naturel. Adaptée au jardin méditerranéen, la palette végétale est riche d’essences peu nécessiteuses en eau. Notre choix chromatique se limite lui, à des couleurs tranchantes : le rouge sublime le bleu qui est majoritaire. La sélection de plants singuliers et leurs associations graphiques en deviennent spectaculaires. Celles-ci sont subtilement soulignées par le bois des voliges, évoquant les châssis des peintres.

La couleur n’est pas sans rappeler Yves Klein et ses Anthropométries de l’époque bleue. Dans notre jardin, ce sont les silhouettes végétales qui sont imprimées en négatif sur de grandes toiles, à travers un procédé photographique : le cyanotype. À l’instar des biologistes d’antan réalisant in situ les tirages de leurs trouvailles, les toiles se muent ainsi en herbiers géants. Et comme si elles s’étaient envolées des cyanotypes, des feuilles en céramique d’un bleu intense viennent s’immiscer dans les massifs. Le jardin, fait d’une superposition de réflexions et de saisons, joue de ces toiles bleues tendues à l’horizontale et à différentes hauteurs. Il est épaisseur, il est palimpseste, Folie Folia est une œuvre horizontale.

© texte de Virginie Alexe